Alors que la droite sénatoriale souhaite fusionner l’audiovisuel public pour créer une holding et que l’extrême-droite défend la privatisation, il est urgent de garantir l’indépendance de notre service public de l’information.

Ma tribune dans Libération.

La semaine dernière, quatre sénateurs de droite et du centre ont annoncé avoir déposé une proposition de loi organique destinée à sécuriser le financement de l’audiovisuel public.

Depuis la suppression de la Contribution à l’audiovisuel public (CAP) par le camp présidentiel en août 2022 – promesse de campagne partagée avec le RN –, le financement de France Télévisions, Radio France, France Médias Monde, Arte et l’Institut national de l’audiovisuel était en suspens, garanti de manière transitoire par l’affectation d’une fraction de TVA, solution jugée non satisfaisante sur le long terme par le Conseil constitutionnel.

L’annonce d’une proposition de solution pérenne est vecteur d’espoir pour tous les salariés de ces médias publics qui sont, depuis deux ans, exposés à une grande incertitude, ce qui n’est pas sans conséquences sur l’état des relations avec leurs directions. Elle l’est également pour les citoyens, qui voient dans les chaînes du service public une source d’information fiable face à la prise de contrôle de médias par des magnats médiatiques aux ambitions politiques et les difficultés de l’Arcom de faire respecter les obligations déontologiques des chaînes audiovisuelles privées.

Cependant, la proposition faite est loin d’être consensuelle, comme l’affirment ses auteurs.

Sur le fond d’abord, celle-ci pose question. Ces sénateurs reprennent dans les grandes lignes un texte de l’ancien député Renaissance, Quentin Bataillon, également auteur de l’amendement de suppression de la redevance, qui repose sur l’attribution d’une fraction de TVA. Cela entre en contradiction avec l’un de ses principaux arguments sur le manque de progressivité de la CAP pour en justifier la suppression. Un financement par une fraction de TVA serait encore plus injuste, puisqu’elle pèse sur l’ensemble des consommateurs, y compris les plus précaires, exonérés d’impôt sur le revenu. Des sources alternatives de financement ont pourtant été proposées depuis deux ans, comme la création d’une contribution progressive en fonction des revenus, des bons pour l’indépendance des médias sous forme de crédits d’impôts, la taxation des géants du numérique… En décembre 2022, le directeur de la BBC, Tim Davie, annonçait «un futur exclusivement numérique» pour les chaînes audiovisuelles : une modification de la loi organique ne peut faire l’économie de considérations prospectives.

Il n’est également pas anodin, sur la forme, que cette proposition émane de la majorité sénatoriale ayant auparavant proposé la réunion de l’ensemble des chaînes publiques sous la bannière d’une seule holding, en vue d’en préparer la fusion. Et qu’ils aient, face à Rachida Dati ministre de la Culture, conditionné le vote d’une loi organique garantissant l’audiovisuel public à l’adoption préalable de leur proposition de holding. 

    Ces précédents laissent planer un doute sur leur motivation véritable : garantir à l’audiovisuel des conditions satisfaisantes d’exercice pour offrir aux citoyens de l’information de qualité ou répondre aux exigences constitutionnelles minimales avant d’avancer dans le projet de fusion ?

    Les débats qui avaient commencé avant la dissolution à l’Assemblée ont mis au jour les limites de ses fondements essentiellement dogmatiques, qu’il s’agisse des coûts supplémentaires liés au fonctionnement de la holding et de l’alignement des conventions collectives, ou encore du risque de perte d’influence au niveau international.

    Les campagnes des élections européennes et des législatives anticipées ont également montré les failles de notre paysage médiatique, exposé au risque de manipulation par des magnats des médias et concurrencé par des réseaux sociaux échappant à toute régulation. La majorité sénatoriale doit donc en tirer les leçons, abandonner son projet de holding et offrir au pays un vrai débat, départi de tout dogmatisme, à partir des travaux menés par la commission d’enquête sénatoriale sur la concentration des médias, et des états généraux de l’information. La santé de nos institutions démocratiques en dépend.