Les violences commises à Bétharram sont insupportables. Cette affaire doit nous interroger sur la capacité de l’État à contrôler les établissements d’enseignement privé.
Ma tribune dans Libération.
En janvier 2024, le lycée Stanislas où l’ancienne ministre de l’Education nationale scolarisait ses enfants était sous le feu des critiques pour des faits portant atteinte à la liberté de conscience et à la santé psychologique des élèves. Dans le sillage de ces révélations, plusieurs enquêtes journalistiques avaient rapporté les accusations d’associations de victimes concernant d’autres établissements, dont celui de Notre-Dame-de-Bétharram, dès le mois de mars 2024. Il pourrait s’agir de l’un des plus grands scandales de pédocriminalité dans le milieu scolaire. Cela interroge la capacité de l’Etat à contrôler les établissements d’enseignement privé. Pour la droite, qui craint une réactivation de la «guerre scolaire», le sujet est inflammable. Il ne s’agit pourtant pas de remettre en cause l’existence de l’enseignement privé, protégée par la décision du Conseil constitutionnel de 1977 relative à la liberté d’enseignement.
Après les attentats de Charlie Hebdo et du Bataclan, le régime d’ouverture et de contrôle des écoles privées hors contrat a été renforcé par une loi adoptée en 2018, par crainte d’un embrigadement des esprits dans les écoles coraniques. Beaucoup reste, en revanche, à accomplir concernant l’enseignement privé sous contrat. Alors qu’à l’Assemblée nationale, une mission d’information consacrée à son financement s’est tenue, au Sénat, la commission de la culture et de l’éducation sollicitée le 30 janvier 2024 par courrier a refusé de se saisir de notre demande d’ouverture d’une commission d’enquête sur les limites du contrôle, pourtant manifestes.
Sur le volet pédagogique et administratif, le ministère de l’Education nationale postule que le secrétariat général de l’enseignement catholique, qui dépend de la conférence des évêques de France, est responsable de l’encadrement du personnel des écoles affiliées à son réseau. La création de soixante postes dans cette institution pour renforcer le contrôle disciplinaire, qui ne dépendent pas de la puissance publique, ne suffit pas à dissiper les inquiétudes.
Les limites concernent aussi le contrôle financier des établissements, ce que pointe la Cour des comptes dans un rapport de juin 2023. Au rythme des audits budgétaires, un établissement privé est susceptible de se faire contrôler une fois tous les 1 500 ans.
Le rapport d’information publié le 2 avril 2024 par l’Assemblée nationale démontre l’absence de visibilité de l’Etat sur les subventions versées par les collectivités territoriales à ces établissements, et les subventions publiques indirectes que constituent les défiscalisations sur les dons des parents faits aux établissements.
Faute de transparence, les pouvoirs publics consacrent plus de moyens aux élèves du privé que du public, ce qui constitue une rupture d’égalité inexplicable.
Depuis les faits terribles qui se sont produits entre 1970 et 2000 à Bétharram, les temps ont changé. La société française a pris conscience de l’étendue des violences commises sur les enfants. Aujourd’hui, ces accusations dépassent la question de la responsabilité personnelle du Premier ministre, et interrogent notre capacité à définitivement adapter la réponse de l’Etat à l’ensemble des dysfonctionnements qui touchent l’enseignement privé, pour faire cesser l’omerta.