Mon intervention lors de l’examen du projet de loi en séance plénière :
« M/Mme la Président-e, Mme la Ministre, Mme la rapporteure, mes chers collègues,
Ce moment de crise sanitaire et de crise climatique nous montre au grand jour à quel point il est indispensable de donner les moyens nécessaires à la recherche publique. Ce n’est qu’avec des moyens ambitieux que notre pays pourra rester à la pointe de la recherche mondiale et contribuer à répondre à ces enjeux. C’est l’essence même de ce projet de loi qui affiche, du moins en théorie, le souhait de retrouver l’ambition de notre pays pour son système de recherche publique et de mieux accueillir la nouvelle génération de jeunes scientifiques qui aura vocation à porter l’avenir de la recherche publique française.
La communauté des chercheurs attendait énormément de ce projet de loi. L’enseignement supérieur souffre d’un manque criant d’investissements : l’effort de recherche publique n’a cessé de baisser depuis les années 1990. Alors que le nombre d’étudiants est en constante d’augmentation (plus 14% de 2010 à 2017) le nombre d’enseignants, lui, est resté constant ! Le personnel de l’enseignement supérieur connaît une forte précarisation : toujours plus de vacataires et de contractuels, toujours moins d’ouverture de postes de titulaires, toujours moins de perspectives professionnelles pour les jeunes chercheurs. Cette précarisation est également due au manque de revalorisation des salaires des enseignants et des chercheurs, très en-dessous de la moyenne des pays développés.
À cette précarisation s’ajoute l’insécurité permanente des financements, avec une proportion croissante des financements par appels à projets, par rapport aux crédits récurrents, c’est-à-dire les financements pérennes. Les chercheurs nous alertent en masse sur ce point : les appels à projet sont un bon complément des financements récurrents, mais ne doivent en aucun cas les remplacer. Aujourd’hui, nous en sommes arrivés au point absurde où nous payons nos meilleurs chercheurs essentiellement pour qu’ils remplissent des demandes de financement et des rapports d’activité.
Aussi, nous aurions espéré un projet ambitieux qui réponde à toutes ces attentes.
Malheureusement, le projet de loi, en l’état, ne répond pas aux manques des universités et de la recherche publique française. Mes collègues du groupe Ecologiste – Solidarité et territoires et moi-même regrettons son manque d’ambition financière notamment sur les premières années. Malgré l’adoption en commission d’une programmation financière resserrée sur 7 ans, le budget reste trop faible. Avec les projections d’inflation, il ne permettra pas d’atteindre l’objectif de la France d’investir un minimum de 3 % de sa richesse nationale dans la recherche. Nous sommes bien loin du minimum vital qui permettrait d’assurer un fonctionnement digne du service public de l’université.
Pire encore, au lieu de palier à la précarisation que connaissent déjà les personnels de l’enseignement supérieur, ce projet de loi pour la recherche l’accentue ! Avec la création des « chaires de professeur junior » et des CDI de mission scientifique, mais aussi avec l’absence de revalorisation salariale concrète et d’ouvertures suffisantes de postes.
La philosophie de ce projet de loi est fondamentalement problématique car il promeut un esprit de compétition entre les universités. Notamment en valorisant encore plus la logique des appels à projets pour l’obtention des financements. Ce qui a pour conséquence, nous l’avons vu, d’accentuer les inégalités entre structures et entre territoires, de favoriser les grandes universités, de gâcher des talents, de manquer des opportunités, et de plonger les personnels dans l’insécurité et le découragement.
Il n’est donc pas étonnant que ce projet de loi, en complet décalage avec les attentes des acteurs concernés, ait suscité un rejet profond depuis plusieurs mois. Nous soutenons pleinement les revendications portées dans la pétition « Pour une autre loi recherche », qui a déjà rassemblé plus de 20 000 signatures. Ce projet mérite d’être véritablement revu, pour proposer une loi de programmation de la recherche digne de ce nom, qui réponde aux attentes et qui propose des financements à la hauteur des enjeux.
Investir dans la recherche est une décision politique, courageuse, essentielle.
Le groupe Ecologiste – Solidarité et Territoires s’oppose donc à ce projet de loi en l’état actuel et dénonce son manque d’ambition. »